Titre

Nouvelles modalités d'administration du Fentanyl

pour le traitement des douleurs cancéreuses

Auteur

Docteur Mario DI PALMA

Institut Gustave Roussy, Villejuif

Le Fentanyl est un antalgique morphinique de Niveau III de l’OMS utilisé couramment dans le traitement des douleurs d’origine cancéreuse.

A ce jour, trois voies d’administration sont disponibles :

-         La voie intraveineuse (ou sous cutanée) utilisant une pompe PCA, a l’avantage d’être maniable du fait de la demie vie courte du Fentanyl, est utile pour l’équilibration des traitements et en cas de douleurs instables.

-         La voie transcutanée par patch est peu maniable mais une solution élégante en cas de douleurs stables.

-         Enfin, la voie transmuqueuse, mise à disposition récemment, qui offre un progrès thérapeutique intéressant dans la prise en charge des douleurs cancéreuses. En effet, ces douleurs ont deux composante :

-         une douleur continue qui va être traitée efficacement par un traitement de fond, préventif, à effet prolongé.

-         sur ce fond douloureux, viennent se greffer des accès douloureux paroxystiques qui vont nécessiter, eux, un traitement à la demande dont l’effet doit être rapide et limité dans le temps.

La définition d’un accès douloureux paroxystique a été initialement proposée par Portenoy en 1990 : il s’agit de douleurs souvent intenses, spontanées, sur fond de douleurs chroniques par ailleurs bien équilibrées par le traitement analgésique de fond. Ces douleurs sont relativement brèves, non prévisibles et par définition, il y a moins de 4 accès par jour. Au delà, on considère que le traitement de fond est mal équilibré. 

Dans une étude que nous avons présentée au Congrès de l’American Society of Clinical Oncology en 2000 concernant 230 patients traités dans 17 Centres français, plus de 80 % des patients avaient au moins un accès dans la semaine que durait l’étude, près de 30 % avaient des accès douloureux tous les jours. Les douleurs étaient cotées comme fortes ou intolérables dans 54 % des cas. Le traitement était jugé insuffisant dans 30 % des cas.

En effet, actuellement on fait appel en général pour traiter ces accès douloureux à la morphine à libération immédiate par voie orale qui pose le problème de son délai d’action, qui fait que souvent l’efficacité antalgique est obtenue alors que l’accès est déjà spontanément résolutif.

La voie transmuqueuse permet, en évitant le phénomène de premier passage hépatique, d’avoir une résorption rapide du produit donc une efficacité également très rapide.

La voie transmuqueuse orale qui est actuellement développée sous forme d’OTFC (Oral Transmucosal Fentanyl Citrate) va être commercialisée en France sous le nom d’ACTIQÒ. Ce traitement se présente sous la forme d’un bâtonnet sur lequel est fixé un comprimé qui contient le citrate de Fentanyl (avec un dosage allant de 200  à 1600 µg) que le patient va faire fondre dans la bouche. Effectivement, 25 % du produit va être réabsorbé directement en transmuqueux, responsable d’un effet antalgique rapide. Le reste est dégluti, le tiers de la dose déglutie est réabsorbée, permettant le maintien de l’effet antalgique, pour une biodisponibilité totale de l’ordre de 50 %.

Comme cela a été montré lors d’un essai thérapeutique (chez des patients souffrant de douleurs post opératoires en chirurgie orthopédique), le délai d’action du citrate de Fentanyl transmuqueux est identique à celui de la morphine intraveineuse, ce qui fait tout l’intérêt de cette galénique.

Une procédure de titration est indispensable pour déterminer la dose minimale efficace pour un patient donné. Il n’a pas été possible jusqu’à maintenant d’établir de corrélation entre la dose du traitement de fond morphinique pris par le patient et la dose de citrate de Fentanyl transmuqueux nécessaire pour le soulager.

Lors des études réalisées pour le développement du produit, cette procédure de titration a été efficace pour 75 % des patients.

Le citrate de Fentanyl transmuqueux a été comparé bien sûr au placebo mais également à la morphine orale à libération immédiate, ce qui a permis de confirmer l’intérêt de cette modalité d’administration en terme de délai d’action.

La tolérance est tout à fait satisfaisante, ceci est dû en particulier au fait que ce traitement s’adresse uniquement à des patients déjà traités par des morphiniques au long cours et donc tolérants aux morphiniques.

Une Autorisation Temporaire d’Utilisation est en cours actuellement en France avec le citrate de Fentanyl transmuqueux, réservé à des douleurs cancéreuses, en complément du traitement de fond par des morphiniques à libération prolongée. Il s’agit donc de patients tolérants aux morphiniques, le traitement de fond pouvant être soit du Fentanyl en patch, soit de la morphine à libération prolongée, soit encore de l’hydromorphone à libération prolongée.

Ce traitement est formellement contre-indiqué bien entendu chez les patients naïfs d’opioïdes, et chez les enfants puisque les dosages disponibles sont réservés à l’adulte. Il s’agit en fait du premier traitement ciblant spécifiquement les accès douloureux paroxystiques survenant chez les patients cancéreux